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40° FESTIVAL DEI POPOLI DI FIRENZE
"METROPOLIZED. LOST IN SPACE. Il corpo e lo spazio urbano"

 

La ville et le cinema
di Marc Augé

 

Dès la naissance du cinéma, le destin de cet art (qui est aussi une industrie) et celui de la ville (qui est à la fois un lieu de production, un lieu de consommation, mais aussi un décor, un lieu de vie et une source d'imaginaire en constante expansion) étaient irrémédiablement liés. Peut-être même pourrait-on écrire une histoire du cinéma qui ne serait que l'une des faces de l'histoire de l'urbanisation, et inversement.

L'aventure y trouverait son compte puisque la ruée vers l'or, la conquête de l'Ouest sont avant tout l'histoire d'un mouvement d'urbanisation et de sédentarisation. L'évocation même des horizons les plus exotiques ou des paradis les plus ruraux ne prend sens que par rapport à une attente, un espoir ou une menace qui s'identifient à la ville : il faudra bien qu'un jour Robinson quitte son île, que les héros de la guerre rentrent chez eux, dans quelque petite cité du Middle West ou dans le Bronx de New York, et l'Aurore de Murnau, dès l'origine, ne prend son éclat que confrontée aux ombres et aux lumières de la ville.

Les grands cinéastes ont compris d'emblée que la ville était un monde et qu'entre la ville et la nature la métaphore était à sens unique. La Nature " est un temple ", écrivait Baudelaire, et les Romantiques, par une référence soutenue à l'architecture (avatar du Dieu architecte conçu par le XVIIIe siècle), ont parfois suggéré que la nature pouvait être perçue comme une ville. Mais c'est bien évidemment dans l'autre sens que la puissance de la métaphore a pu jouer pleinement : pour les humains, c'est la ville qui est une seconde nature et peut se réapproprier les termes par lesquels on désigne les différents éco-systèmes naturels, de la jungle d'asphalte aux forêts pavillonnaires ou aux confluents autoroutiers. Derrière ces métaphores se profilent la société, les rapports antagonistes et parfois violents entre les classes et les groupes : la métaphore de la ville comme nature renvoie à celle de l'humanité comme animalité, aux confins de la sauvagerie. Dans un registre plus géographique, toutefois, voire plus poétique, la ville s'est substitué à la nature en épousant ses contours, en colonisant ses éléments les plus spectaculaires, ses rivières, ses reliefs. Que serait la Seine sans Paris, la Tamise sans Londres, les sept collines sans Rome et l'Arno sans Florence ? Cette colonisation s'étend à la météorologie : on parle du climat d'une ville aussi bien dans le sens naturel que dans le sens moral. Le ciel de Paris a été mis en chansons. Les chansons, les poèmes personnifiant la ville et cette personnification est en quelque sorte l'aboutissement du mouvement historique au terme duquel pour des millions d'humains la ville est devenue le milieu naturel de la naissance, de la vie et de la mort.

Cette ville naturelle (ou, si l'on veut, historique), nous la rencontrons constamment dans la tradition cinématographique, riche de toutes les ambiguïtés de la métaphore, au point de nous faire douter parfois de la nature exacte de son rôle et de son identité : est-elle le décor ou le moteur de l'intrigue, un contexte ou un acteur ? A cette question il n'y a évidemment pas de réponse : la poésie de l'image, au cinéma, rend toute réponse vraie et insuffisante, nous renvoyant sans cesse de l'évocation d'un lieu (fût-il intégralement reconstruit en studio) à celles d'un visage, d'un récit, d'une musique, et plus encore de souvenirs plus ou moins fidèles que nous en gardons. Il y e ainsi dans nos mémoires des villes imaginaires qui sont des villes de cinéma, des villes dont la référence ultime est bien réelle, mais dont l'insistante présence en nous résulte du jeu combiné des images du cinéma et de l'imagination de la mémoire : en sorte que, pour chacun d'entre nous un peu différente, cette ville née du temps, de la mémoire et de l'oubli nous expose à une subtile déception lorsque nous la confrontons aux réalités de la ville d'aujourd'hui (" La forme d'une ville ", écrivait encore Baudelaire, " change plus vite, hélas !, que le cœur d'un mortel "), mais aussi lorsque nous revoyons le film parce que, sur sa pellicule inchangée ou techniquement vieilli, il n'a pas subi le travail d'érosion et de recomposition auquel se livrent, chacune pour leur part, nos mémoires respectives.

Le rapport de la ville et du cinéma ne saurait pourtant aujourd'hui se réduire aux jeux d'images qu'éveillent chez le cinéphile d'occasion les noms de Rome, Naples, Paris, San Francisco, Londres ou… Casablanca. L'expansion urbaine est telle qu'elle apparaît bien aujourd'hui, avec les mouvements de populations qui lui correspondent, pour ce qu'elle est : l'expression d'une nouvelle ère de l'humanité qui ôte progressivement tout sens aux oppositions du type ville/campagne ou centre/périphérie qui nous aidaient naguère encore à essayer de comprendre le monde en ordonnant l'espace.

Le tissu urbain, en effet, s'étend à vitesse accélérée au long des côtes, des fleuves et des voies de communication. Cette accélération est encore plus sensible sur des continents comme l'Afrique et l'Asie. Dans les villes d'Europe et d'Amérique du Nord se concentrent des populations de migrants en provenance du monde entier, mais partout dans le monde des populations d'origine rurale se concentrent dans les barrios, les favelas ou les bidonvilles de mégapoles qui subissent leur croissance sans la maîtriser. Cette expansion et ces brassages, fruit de l'explosion démographique, n'ont pas de précédent historique. Ils coexistent avec d'autres évolutions auxquelles ils sont en partie liés : l'accélération des moyens de transport et le développement des moyens de communication. Les hommes circulent (malgré les obstacles mis à cette circulation) parce que les images et les messages circulent sans entraver.

D'un autre côté, il existe un contraste chaque jour plus saisissant entre la pauvreté du monde (telle qu'elle s'observe dans les " poches " urbaines où se retrouvent les migrants, les " déplacés ", les réfugiés de tous ordres) et le surdéveloppement sur toute la surface de la planète (y compris, même si c'est de façon plus étroitement localisée, dans des pays pauvres) du réseau mondial de communication lié à l'expansion de l'économie de marché. Une des conséquences de cette dramatique tension (et peut-être l'un de ses modes provisoires de résolution) est la déréalisation de l'existence et du monde : les uns sont fascinés par les images d'une prospérité dont toutes les projections montrent qu'elle ne sera jamais la leur ; les autres parcourent en touristes un monde dont les curiosités exotiques sont comptées, classées, protégées et aussi décontextualisées que possible.

La fuite des uns, l'errance des autres, la ronde vertigineuse des images autour du globe appartiennent à l'univers qui est le nôtre aujourd'hui, un univers qui nous appelons urbain, faute d'un autre terme, mais qui ne s'oppose à aucun autre parce qu'il est celui de la terre entière là où elle est habitée : c'est la ville ou le désert, mais dès lors ce n'est plus tout à fait la ville, plutôt un espace à requalifier, à redécouvrir, où se déroulera l'histoire de demain. Les terrains vagues, les zones en construction, les espaces de survie urbaine dans les métropoles du Tiers-Monde sont, au même titre que les autoroutes, les tours truffées de bureaux, les aéroports et les salles d'attente le lieu indéterminé d'une histoire à venir dont nous ignorons tout mais dont quelques-uns (je pense à Nani Moretti, à Wim Wenders, à Godard aussi) ont su faire percevoir la rumeur, comme d'une mer montante. En attendant il faut enregistrer, se documenter, écouter, veiller, monter la garde aux lisières du nouveau siècle.

 

 

40° Festival dei popoli
METROPOLIZED

contributi di:
Marc Augé
Jean-Louis Comolli
Stefano Boeri
Giancarlo Paba
Elisabetta Pieri

 

 

Festival dei Popoli
Borgo Pinti 82r
50121 Firenze - ITALY
tel: (int.39) 55 244778
fax: (int.39) 55 241364
mail: fespopol@dada.it

 

 

 

 

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